4.11.15

Sémantique inappropriée ou jargon au service du marketing ?

Il est souvent répandu l'idée que le profil d'un professeur ou d'un pratiquant se définit en indiquant de qui il est l'élève.
C'est l'une des caractéristiques de l'approche dite "traditionnelle", mais ce n'est pas aussi simple qu'il y paraît.
Il est assez peu fréquent qu'un aïkidoka ait la chance de tomber pile poil sur le maître qui lui convient et qu'il puisse le conserver durant toute sa vie de pratique, ne serait-ce que pour une question d'âges.
Il serait donc davantage judicieux de parler d'Ecole Machin ou courant Bidule, ce qui n'ôterait en rien les œuvres des dits Me Machin ou Me Bidule, bien au contraire.

Certains maîtres insistent pour que les pratiquants se revendiquant de leur enseignement, mentionnent qu'ils sont leurs élèves, alors que souvent ils ne sont en fait qu'élèves de leurs élèves, voir élèves d'élèves d'élèves...
Il ne suffit pas de participer à des stages, même s'ils sont nombreux, pour pouvoir revendiquer qu'on est l'élève direct d'un maître Machin.
"La ruse" assez répandue aujourd'hui consiste  à utiliser des termes anciens utilisés dans les écoles traditionnelles d'arts martiaux (ryu).
C'est ainsi qu'on baptise les élèves assistant d'un maître, "deshi" et qu'on y ajoute la précision de "uchi" s'il se trouve dans le même dojo ou "soto" s'il se trouve à pétaouchnoc.

Et c'est là qu'on rigole en constatant qu'il y a depuis quelques années inflation de soto deshi, comme si le dojo mère avait un jour compté des centaines ou des milliers d'élèves, qui auraient été missionnés afin de porter la bonne parole à travers la France et...le monde entier.
Nul doute que ceux qui utilisent ce concept s'inspirent de ce qu'a fait le fondateur de l'aïkido en envoyant ses meilleurs élèves au travers le monde après la guerre de 40.
Mais pour qu'un professeur de dojo prétende être un élève de Machin ou l'un de ses soto deshi, ne faudrait-il pas qu'il ait été ou soit encore un élève régulier, assidu et pendant des années, ce qui est rarement le cas.
Pour pallier à cette terminologie impropre, la solution pour certains maîtres est de qualifier de cours, les stages animés par monts et par vaux. Puisque les élèves n'étudient pas tous physiquement dans le dojo du maître, on va imaginer que le maître dispense des cours dans un dojo itinérant, allant de ville en ville, voir de pays en pays.  
Un dojo étant par définition "un lieu où l'on étudie la voie", rien ne s'oppose à ce concept.
Par contre est-il exact que les professeurs qui n'ont reçu l'enseignement du maître qu'au travers ce type de cours (itinérants et ponctuels) soient qualifiés de soto deshi ?
N'est-ce pas grotesque et nullement le reflet de la réalité ?Cela flaire le marketing et trompe les futurs pratiquants.

Ne serait-il pas plus honnête qu'un professeur mentionne son parcours, ses recherches, les maîtres auprès desquels il a étudié, le ou les professeurs ainsi que les obédiences/écoles/courants ?
Dans le temps on utilisait le système menkyo et l'on inscrivait tout cela sur des supports qui prenaient parfois la forme de rouleaux plus ou moins longs.

Le terme "soto deshi" est aujourd'hui mêlé à toutes les sauces et ne peut qu'engendrer de mauvaises interprétations, voir des embrouilles avec le maître cité ou ses authentiques deshi, si peu nombreux soient-ils.

Fort heureusement, le pratiquant lambda se moque éperdument de toutes ces subtilités.
Mais quand l'heure arrive de créer son propre dojo et qu'on appartient à une structure "traditionnelle" (système pyramidal et non fédéral) on est contraint de fonctionner selon ses règles cela va de soi.
Dans une telle organisation, quand des usances sont  réactualisées sous le prétexte "qu'il faut s'adapter au monde moderne", on nage dans l'incohérence, le terme "tradition" est discrédité et devient un élément de marketing parmi d'autres.

Quant à ceux qui affirment qu'un dojo est "autonome" cela concerne uniquement la forme juridique et la comptabilité. Pour la partie aïkido, c'est mensonger, totalement faux et le professeur est entièrement dépendant. Il n'est même pas libre de son image ni de citer ses références, même si celles-ci sont constituées de 40 ans d'expériences et de rencontres.

C'est tout de même un comble quand on se situe dans le pays des Droits de l'homme non ?!   
 
 
    

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