16.2.11

Le choix du maître

Questions-réponses
La discipline que vous enseignez, le Taïkido, est peu connue. En quoi consiste t-elle ?
Notre art martial est le seul à englober plusieurs disciplines traditionnelles basées sur les notions d’énergie. Le Taïkido étudie l’homme dans sa globalité (tant sur le plan physique que psychique), le but étant que chacun trouve sa propre voie (do). Il inclut l’Aïkido.


En 1997 vous aviez déjà pratiqué pendant plus de 15 ans au sein de plusieurs clubs FFAB et effectué de nombreux stages avec les représentants perçus comme étant parmi les meilleurs de l'aïkido. Pourquoi avoir rejoint l’EPA-ISTA International et décidé de suivre l’enseignement d’Alain Peyrache ?
A cette époque se sont présentées 2 options :
1 - continuer d’appartenir à un club affilié à une fédération franco-française dans laquelle le choix du professeur ne paraissait pas important, laissant porter les adhérents par les hasards. Du reste on parlait bien de clubs où souvent les enseignants se succédaient sans se soucier des élèves et vise et versa. Tout le monde était interchangeable et cela semblait ne choquer personne.

2 - choisir un enseignement traditionnel tel que le proposaient Alain Peyrache et au travers lui, les dojos issus du concept « un maître un dojo », comme au Japon.

L’EPA-ISTA International est le seul espace qui regroupe librement des individus et qui ne fédère pas des clubs.

Outre cette approche traditionnelle, j’ai découvert que tout ce que j’avais appris en 15 ans de pratique assidue devait être remis en cause car à ma grande surprise mon aïkido ne fonctionnait plus avec les pratiquants de cette Ecole.
Pourtant, vu de l'extérieur rien ne semblait différent.  
D’autres pratiquants dans la même situation pensaient même ne plus être dignes de porter le hakama !
En fait je devais me rendre à l'évidence que je ne savais pratiquement rien de l'aïkido.

Ce fut pour moi un moment important et inattendu qui mit à l’épreuve mes facultés de mettre mon ego de côté. L’aïkido étant aussi une école d’humilité, j’ai surmonté cette période sans trop de difficultés et avec le recul j’ai pu constater qu’en moins de 2 ans, j’avais appris davantage que les 15 années précédentes !

Si l'on veut progresser on doit avant tout bien choisir son maître, un maître authentique.

Le 2e paramètre pour progresser est l'enseignement, la transmission.

Ces 2 critères ont été une révélation car jamais évoqués auparavant par mes anciens professeurs.

J'ai eu dès lors la chance de pouvoir orienter ma pratique telle que je la concevais : environnement libre de toute hiérarchie fédérative, choix de la pratique, bref un véritable enrichissement permanent non limité dans le temps ou par des dictacts venus d'incompétents ne connaissant rien de la discipline.


Qu’est-ce qui diffère un enseignement traditionnel dans un dojo d’un enseignement dans un club fédéré ?
Sans entrer dans les détails qui prendraient de nombreuses pages, disons qu’on met l’accent sur l’accomplissement de soi et la recherche de l’unité. Les techniques ne sont que des outils. N’importe qui est capable d’exécuter une technique après l’avoir répétée un certain nombre de fois. Cela ne fait pas de vous un bon aïkidoka.

Nous apprenons à gérer une situation et à appliquer éventuellement la technique adéquate.

La plupart des autres professeurs font l'inverse, imprégnés de leur culture occidentale.

Pour vous donner une image, on ne cherche pas à placer une technique dont on s'est fait une spécialité (comme en judo), c'est la technique qui s'imposera selon la situation.



Pourtant dans tous les clubs les cours sont basés sur l’apprentissage des techniques. On voit les pratiquants placer leurs mains, leurs pieds, ajouter une technique une fois que tout est en place. Comment faites vous dans vos dojos ?
Dans nos dojos on étudie les bases sur lesquelles reposent les techniques.
Pour donner une image, si on veut apprendre à monter à cheval comme un cowboy, on commence par faire du manège et on fait en sorte de se familiariser avec l'environnement du cheval.
En aïkido, un bon placement, un bon timing, une bonne distance et l’on s’aperçoit très vite que la technique s’impose, sans même parfois qu’elle soit indispensable pour maîtriser la situation.
L’approche orientale va du global au subtil, c’est à dire exactement l’inverse de ce qui est généralement enseigné dans la plupart des clubs non EPA.
Dans ces clubs, pourtant souvent dirigés par des diplômés d'état (pour un art japonais, cherchez l'erreur...), j’ai vu de nombreux cours pendant lesquels on passait des heures à apprendre à placer un pied, puis une main, puis un autre pied, etc., quand ça collait pour le haut, c'est le bas qui n'allait plus, etc.
A la fin du cours on ne savait toujours pas placer son corps et au final on n’avait rien appris. Les mois et les années s’écoulent ainsi avec l’illusion, de temps en temps, de maîtriser une technique. Et comme dans ces cours là tout le monde est dans le même cas, on ne s'aperçoit même plus que ça fonctionne uniquement parce qu’on est entre aïkidokas complaisants, histoire de ne pas égratigner l'ego.
Dans nos dojos on sait pourquoi une technique fonctionne ou pas et on est capable de l'expliquer. Et en général la raison n'est pas tant technique que parce que les conditions ne sont pas réunies.
D’ailleurs lors des « stages » des fédérations c’est très révélateur : comme on pratique avec des partenaires qu’on ne connaît pas, la complaisance n’étant plus forcément de mise il est fréquent de constater que les techniques ne fonctionnent plus.

Il est surprenant que ces pratiquants acceptent cet état de fait sans s’interroger. Combien d’aïkidokas se posent ils des questions en remettant en cause la pratique qui leur a été enseignée ? En général ils considèrent que c'est parce qu'ils n'ont pas encore un niveau suffisant. Mais en fait toute leur vie ils attendront un niveau qui ne viendra jamais puisque la cause est d'ordre pédagogique et souvent liée à une approche occidentale.



N’est-ce pas aussi pour cela que l’aïkido paraît aux non pratiquants, inefficace ou apparentée à une chorégraphie ?
Tout à fait. Le plus paradoxal c’est que beaucoup de pratiquants eux-mêmes ne croient pas en ce qu’ils font. Mais chemin faisant ils ont fini quand même par y trouver leur compte, même s’ils ignorent que 90 % de l’aïkido ne leur a jamais été enseigné.
La TV couleur ne manque pas aux indiens d’Amazonie puisqu’ils en ignorent l’existence.
Chacun est libre, y compris de vouloir pratiquer l’aïkido et faire tout son contraire.


En quoi l’aïkido enseigné selon votre approche constitue t - il aussi un art de vivre et une philosophie ?
Ainsi qu’évoqué, savoir placer son corps dans un certain contexte apprend à tenir compte de son environnement et ceux qui le constituent. Savoir apprécier une situation, évaluer les éléments d’un conflit et gérer sans violence conduisent à un plus au quotidien.
Ce n’est pas la technique qui fera de vous un vainqueur mais bien votre capacité à résoudre le problème en amont et c’est valorisant.


Revenons sur le qualificatif de « traditionnel » revendiqué aussi par d’autres clubs. En quoi le votre se distingue t-il ?
C’est fondamental de bien comprendre nos différences.
D’abord on ne pratique pas dans un club de consommateurs ayant payé une cotisation mais dans un dojo ou l’on recherche la voie.

Chacun doit y connaître sa place exacte. Notre dojo répond au concept oriental « un maître un dojo ».

Le tokonoma y rappelle le fondateur et son enseignement, que le maître du dojo s’engage à transmettre.
Nous veillons à ne pas faire un aïkido "local", un aïkido franco-français n'est pas l'Aïkido.
C'est pourtant ce que l'on voit fréquemment dans notre pays, quand on ne voit pas se développer un aïkido "sportif", à l'opposé des bases de l'aïkido.
Dans les clubs on trouve un président, un secrétaire, un trésorier. C'est normal puisqu'ils ont généralement des structures associatives. Mais ces fonctions peuvent se chevaucher dans la pratique et ça peut être préjudiciable au bon fonctionnement d’un dojo traditionnel. Nous on y préfère les termes uchi deshi, sampaï, kohaï, dohaï, etc.
Dès le 1er jour de pratique, nos T aïkidokas apprennent à transmettre ; le but de notre pratique est la recherche de l’autonomie et cette notion est omniprésente.

Tous ces aspects nous distinguent des clubs franco-français, à nos yeux incompatibles avec l’esprit de l’Aïkido et du Taïkido.

Bien évidemment, notre dojo n’est pas seul en France à défendre ces concepts mais ça n’est pas la majorité, malheureusement.
Chacun est libre de ses choix mais il faut savoir ce qu'on veut.
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